Moyen Âge
Agrégation lettres 2017

Olivier Delsaux et Tania Van Hemelryck

Le Livre du duc des vrais amans : Codex et contexte

Article

Contexte général : Christine de Pizan, auteur et publicateur de ses œuvres

  • 1 N. Pellegrin, Ecrits féministes de Christine de Pizan à Simone de Beauvoir...

  • 2 D. Poirion, Le poète et le prince. L’évolution du lyrisme courtois de Guil...

1Alors que d’autres femmes l’ont précédée comme auteure dans l’histoire de la littérature – songeons à Marie de France –, Christine de Pizan est par contre, comme le rappelait Nicole Pellegrin dans son anthologie des Écrits féministes, la « première des femmes européennes à avoir vécu de sa plume1 ». En effet, à la différence des autres écrivains de son époque, disposant d’une charge ecclésiastique ou étant au service d’un État ou d’une cour particulière2, Christine de Pizan n’a eu d’autre choix que de vivre exclusivement du don des manuscrits de ses textes3.

2Bien que Christine ait commencé à écrire dès le début des années 1390, ce n’est qu’à partir de l’extrême fin du xive siècle, vers les années 1399-1400, qu’elle est intervenue dans la production des manuscrits contemporains de ses textes. Dès 1399, Christine décide de superviser la confection des manuscrits de ses œuvres, s’inscrivant dans la tradition inaugurée par Guillaume de Machaut et Jean Froissart ; en effet, à partir du début du xive siècle, émerge dans le sillage du déploiement du genre du dit, l’idée que le livre devient partie intégrante de l’œuvre d’un auteur et que l’organisation de ses œuvres fait sens, car elle est le prolongement du geste compilatoire qu’est le dit4.

3Différents facteurs ont pu encourager Christine dans la voie de la supervision et de la production des manuscrits de ses œuvres :

  • 5 R. H. Rouse et M. A. Rouse, Manuscripts and their Makers. Commercial Books...

41° L’attractivité de l’activité de libraire, qui n’est plus à la fin du xive siècle une tâche servile et purement artisanale, mais qui fait l’objet d’une reconnaissance symbolique et financière de la part des grands de l’époque5. Le libraire supervisait non seulement la vente mais aussi la production des manuscrits. Pour quelqu’un comme Christine, qui n’avait aucune charge officielle dans le Paris des années 1400, devenir libraire, même sans appartenir officiellement à la profession, lui a vraisemblablement assuré une visibilité.

  • 6 G. Ouy, « Nicolas de Clamanges (ca. 1360-1437), philologue et calligraphe ...

52° L’attractivité esthétique et pratique du travail de copie. Avec la diversification des écritures et le développement de l’écriture cursive à la fin du Moyen Âge, la copie d’un manuscrit est techniquement plus facile à mettre en œuvre et on voit se développer des copistes amateurs. Parallèlement, la calligraphie devient une activité plus prestigieuse puisqu’elle n’est plus associée aux seuls copistes professionnels et devient le centre des préoccupations des premiers humanistes français, chez qui la copie est un plaisir et une étape essentielle pour la connaissance des œuvres de l’antiquité6.

  • 7 A. Petrucci, « Minuta, autografo, libro d’autore », in Atti del convegno i...

63° Le désir humaniste de contrôler la diffusion de ses textes. En supervisant la copie de ses textes, le lettré peut limiter les fautes de copie et également limiter la production de copies non contrôlées et non autorisées7.

74° Le désir auctorial d’assurer la diffusion de son œuvre, d’encourager son succès et d’assurer la postérité de sa figure d’auteure auprès des contemporains et des générations futures. Christine l’avait parfaitement ressenti, car elle y fait allusion dans son œuvre partiellement autobiographique, l’Advision Cristine (1406-1407) :

Or vueil que de toy naissent nouveaulx volumes, lesquelz les temps a venir et perpetuelment au monde presenteront ta memoire devant les princes et par l’univers en toutes places, lesquelz en joie et delit tu enfanteras de ta memoire, non obstant le labour et traveil, lequel tout ainsi comme la femme qui a enfanté, si tost que elle ot le cry de son enfant oublie son mal, oublieras le traveil du labour oyant la voix de tes volumes8.

  • 9 Sur une telle logique dans les premiers imprimés de textes français, C. J....

8En outre, pour peu que l’auteur multiplie les exemplaires de ses textes, comme ce fut le cas de Christine, il peut sortir de la logique de dépendance à l’égard d’un seul bienfaiteur, et acquérir davantage de liberté et d’autonomie9.

  • 10 G. Ouy, « Autographes calligraphiés et scriptoria d’humanistes en France ...

9Par ailleurs, le contexte historique précis du Paris des années 1400 était particulièrement propice au développement d’ateliers privés de copistes-libraires et à la production des manuscrits par l’auteur lui-même10. En effet, l’émulation bibliophile entre les princes de la maison de Valois, et plus généralement l’augmentation de la demande de manuscrits, font que les circuits de production traditionnels de livres ne suivent plus et que peuvent se développer des ateliers privés ou semi-professionnels sous la direction d’écrivains et de lettrés, où travaillaient des copistes ; pour des raisons techniques et pratiques, les décorateurs et les illustrateurs travaillaient la plupart du temps dans leur propre atelier.

  • 11 C. Bozzolo, D. Coq, D. Muzerelle et E. Ornato, « Une machine au fonctionn...

  • 12 K. Fianu, « Les femmes dans les métiers du livre à Paris (xiiie-xve siècl...

10Pour Christine de Pizan, il existait une raison supplémentaire, économique, car pour vivre de la production de ses manuscrits, il lui fallait limiter le coût de production des manuscrits. Or, la part la plus importante dans ces coûts était, outre les matières premières (parchemin, encre) et la décoration, constituée par le salaire du copiste11. C’est pourquoi, Christine de Pizan devint copiste de ses œuvres, suivant la longue tradition médiévale des femmes artisanes du livre12.

11L’on notera, par ailleurs, que dans le Livre du duc des vrais amans, Christine témoigne d’une sensibilité à la matérialité du texte lorsqu’elle évoque la rédaction des lettres, s’inscrivant ainsi dans le sillage des mises en scène de rédactions autographes que l’on trouve dans les dits épistolaires que sont le Voir Dit de Guillaume de Machaut et la Fontaine amoureuse de Jean Froissart :

Si fu m’esperance toute / Recouvree et plus n’oz doubte / De reffus, si com souloie. / Mais je dis que je vouloie / Faire a ses lettres response. / Si pris papier, plume et ponce / Et ancre, et m’alay retraire. / Lors en joye et sans contraire / Escrips en si faitte guise / Comme ycy je vous divise (éd. D. Lechat et D. Demartini, v. 2399-2408).

  • 13 Par ex. éd. D. Lechat et D. Demartini, p. 355-356 et v. 8536-8544.

  • 14 J. Cerquiglini-Toulet, « Fondements et fondations de l’écriture chez Chri...

12L’on notera que contrairement à l’amant qui est fréquemment mis en scène écrivant ses lettres, Christine ne juge pas utile de le faire pour la dame alors que certaines missives semblent autographes vu l’insistance sur ses larmes au moment de leur rédaction/transcription13. S’agirait-il d’une coïncidence ou d’une volonté de Christine, auteur-publicateur, de se réserver les mises en scène féminines de rédaction à la main et larmes aux yeux14 ?

Dans l’atelier de Christine de Pizan

  • 15 O. Delsaux et T. Van Hemelryck, Les manuscrits autographes en français au...

13On a conservé 54 manuscrits que l’on peut qualifier d’originaux, dans le sens où ils ont été produits sous la supervision de Christine de Pizan ou avec son autorisation15. Ces manuscrits qui présentent une facture similaire ont été produits par un nombre limité d’artisans. Ainsi, pour ce qui est de l’illustration, on notera son choix de travailler de façon privilégiée avec deux miniaturistes particulièrement sollicités à l’époque, le Maître de l’Epistre Othea et le Maître de la Cité des Dames. Pour ce qui est de la copie du texte, la critique a identifié trois mains principales :

  • 16 Intervention sur le texte de la copie ; taux de faute très faible ; carac...

  • 17 Préparation des corrections des autres mains ; improvisation de certaines...

141° La main X, qui a copié le plus grand nombre de manuscrits originaux et qui agit avec le plus d’autorité, de liberté et d’aplomb sur le texte, tant pour ce qui est de la copie16 que de la révision du texte17 ; on notera par exemple que cette main corrige le travail des autres mains, alors que les autres mains ne contrôlent pas son travail. Dans le cas du Livre du duc des vrais amans, quelques corrections de la main X dans le manuscrit Londres, BL, Harley 4431 (dit Manuscrit de la Reine) ont visé à améliorer le texte copié au départ et qui était également celui du manuscrit Paris, BnF, fr. 836 (dit le Manuscrit du duc)18.

152° La main P19, nommée ainsi en raison du tracé très particulier de la lettre p, est celle qui, après la main X, a copié le plus grand nombre de manuscrits originaux. C’est elle qui a copié presque tous les manuscrits de la Cité des dames et qui a travaillé le plus longtemps pour Christine de Pizan. C’est également elle qui semble, contrairement à la main R, avoir travaillé en étroite collaboration avec l’auteure, voire à son domicile.

163° La main R, nommée ainsi en raison de la raideur de ses tracés, a été identifiée avec le copiste professionnel P. De La Croix20, qui a copié des manuscrits d’autres textes que ceux de Christine de Pizan : par exemple l’Archiloge Sophie de Jacques Legrand (Paris, BnF, fr. 24232). Cette main a travaillé de façon plus épisodique et plus distante avec la main X. Copiant de façon très mécanique, elle est peu intervenue dans les textes. Contrairement à la main X, la main R est moins élégante, mais plus régulière.

17Au vu du profil de copiste et de correcteur de la main X, une partie de la critique a proposé d’identifier celle-ci avec la main de l’auteure21 et d’identifier les autres mains avec celles de collaborateurs travaillant sous sa direction. Cette collaboration a probablement pris la forme d’une équipe ou d’un atelier privé établi au domicile de Christine de Pizan, comme le faisaient les humanistes parisiens (tels Jean de Montreuil, Jean Gerson, les frères Gontier et Pierre Col, Nicolas de Clamanges) avec certains desquels elle interagit dans le cadre de la querelle sur le Roman de la Rose. C’est l’hypothèse que nous suivrons dans cette contribution.

Les années 1403-1405 : le Livre du duc des vrais amans

  • 22 Christine de Pizan, Livre des trois Vertus, éd. Ch. C. Willard et E. Hick...

  • 23 Paris, BnF, fr. 12779 ; Chantilly, BC, 492-493 ; voir infra point 4 « Les...

18Il est communément admis que le Livre du duc des vrais amans a été écrit avant fin 1405 (date de l’achèvement du Livre des trois Vertus où il est fait référence au texte)22 et vraisemblablement après 1402 (date d’achèvement des premiers recueils originaux de Christine23, où l’œuvre n’apparait pas).

19La période 1403-1405 constitue une étape-phare dans la carrière de Christine comme publicateur ; en effet, vers 1402-1403, on la voit chercher à augmenter le volume de sa production afin de limiter les frais et surtout de répondre à une demande plus forte qu’avant. Elle décide alors de multiplier les exemplaires du même texte, ce qui nécessitait l’engagement de collaborateurs (main P et main R) et la production « en série » : c’est le cas pour le Chemin de lonc estude (vers 1402), le Livre de la mutacion de Fortune (nov. 1403), le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V (début 1404), le Livre de la Cité des dames (vers 1405). De ces quatre textes, ainsi que du Livre des trois Vertus (fin 1405), nous avons conservé plusieurs manuscrits originaux, pour la plupart monographiques, c’est-à-dire qui ne sont pas des recueils et qui contiennent exclusivement l’œuvre en question ; il s’agissait pour la majorité de manuscrits offerts en don aux princes de l’époque, tels que Jean sans Peur, Charles VI ou Jean de Berry.

20Pour ce qui est du Livre du duc des vrais amans nous n’avons conservé aucun manuscrit de type monographique, mais uniquement des copies de l’œuvre conservées dans deux recueils des œuvres de Christine, qui plus est originaux.

21Deux hypothèses peuvent expliquer cette situation documentaire.

  • 24 A. Derolez, Les catalogues de bibliothèques, Turnhout, Brepols, 1979 (Typ...

22Soit un ou plusieurs manuscrits monotextuels du Livre du duc des vrais amans ont été produits par Christine, mais ils ne sont pas parvenus jusqu’à nous ; c’est le sort de plusieurs manuscrits originaux christiniens mentionnés dans les inventaires ou les comptes d’un prince contemporain (par exemple les ducs Jean de Berry ou Jean sans Peur), mais qui n’ont pas été conservés. En effet, outre le phénomène de déperdition naturelle des témoins de la culture écrite, il ne faut pas oublier que le taux de perte de manuscrits produits à cette époque a été particulièrement important, en raison des troubles politiques qui agitèrent les premières décennies du xve siècle, notamment pour les bibliothèques de possesseurs plus « modestes », en regard de celles des grands princes de l’époque (Jean de Berry, etc.)24.

23Soit Christine n’a pas produit de manuscrit monographique de cette œuvre. Cette seconde hypothèse nous semble peu probable, car, selon la tradition et selon sa logique économique d’auteure vivant de sa plume, il est vraisemblable que Christine ait adressé un exemplaire du texte au seigneur qui lui a raconté son aventure et qui l’a priée d’écrire le livre. Par ailleurs, la taille du texte n’a pas dû constituer une contrainte pour Christine, puisqu’elle a produit des manuscrits monographiques d’œuvres d’une ampleur comparable, par exemple le manuscrit Paris, BnF fr. 848 de l’Epistre Othea ou le ms. Paris, BnF, fr. 2184 du Dit de la pastoure.

  • 25 A. Le Roux de Lincy, Catalogue de la bibliothèque des ducs de Bourbon en ...

  • 26 L. Boislisle, « Inventaire des bijoux, vêtements, manuscrits et objets pr...

  • 27 Contrairement à ce qu’affirme L. Boilisle concernant l’entrée de l’invent...

  • 28 Christine de Pizan, Epistre de la Prison de Vie Humaine, éd. A. J. Kenned...

  • 29 H. Omont, Anciens inventaires et catalogues de la Bibliothèque nationale,...

24Nous avons pu confirmer cette première hypothèse, en retrouvant la mention d’un manuscrit sur parchemin contenant uniquement le Livre du duc des vrais amans dans deux inventaires des livres de descendants du duc Louis II de Bourbon (1337-1410). D’une part, dans l’inventaire de la bibliothèque des ducs de Bourbon établi de novembre à décembre 1507 au château d’Aigueperse, qui reprend les biens du duc Charles III de Bourbon, connétable de France (1490-1457) : Le Livre appellé le Duc des vrays amans, à la main, en parchemyn, couvert de cuyr tasné (entrée n° 21925). D’autre part, dans l’inventaire après-décès (9 septembre – 8 octobre 1474) de Gabrielle de la Tour : Le Dict des vrays amans26 ; la forme dict est très probablement une faute de lecture pour duc de la part du rédacteur de l’inventaire27. Gabrielle de la Tour était l’épouse de Louis III de Bourbon, comte de Montpensier, de Clermont et de Sancerre. Louis III de Bourbon était l’arrière-petit-fils de Louis II de Bourbon et le fils de Jean Ier de Bourbon et de Marie de Berry ; Christine a dédié à Jean Ier quelques Encores autres ballades et à Marie l’Epistre de la prison de vie humaine28. À la mort de Gabrielle de la Tour, ses biens passèrent à son fils Charles III de Bourbon (inventaire 1507). Quoique les biens de Charles III de Bourbon aient été confisqués en 1516 par le roi de France François Ier, on ne retrouve pas la trace du livre du Duc des vrais amans dans les différents inventaires de la bibliothèque royale du xvie siècle (Blois ou Fontainebleau) ; le manuscrit n’est en tout cas pas conservé actuellement à la Bibliothèque nationale de France, où aboutirent la plupart des manuscrits de la librairie royale29.

  • 30 Christine de Pizan, Œuvres poétiques, éd. M. Roy, Paris, Firmin Didot, SA...

  • 31 M.-J. Pinet, Christine de Pisan (1364-1430). Étude biographique et littér...

  • 32 « En sa jeunesce fu prince bel, gracieulx, amiable, jolis, joyeux festoia...

25Cette découverte confirme la circulation de l’œuvre sous forme de manuscrit monographique, sans que l’on puisse dire s’il s’agissait d’un manuscrit original. En outre, ces deux mentions d’inventaire pourraient constituer un argument en faveur de l’hypothèse formulée en 1896 par Maurice Roy30, selon laquelle, derrière le duc des vrais amans, que Christine n’identifie nulle part dans le texte, pourrait se cacher le duc Jean Ier de Bourbon. L’hypothèse de M. Roy ne reposait sur aucun argument tangible et elle n’avait jusqu’ici jamais convaincu la critique31. Il nous semble que la mention d’un manuscrit du Duc des vrais amans dans la bibliothèque des ducs de Bourbon invite à rouvrir le dossier de l’attribution et peut-être à l’élargir au père de Jean Ier, à savoir Louis II de Bourbon, dont Christine de Pizan souligne par ailleurs les qualités de « courtoisie » dans sa biographie du roi Charles V32. Qui plus est, dans cette même biographie, Christine qualifie son fils Jean Ier de comte de Clermont, et non duc33, ce qui pourrait disqualifier son identification comme le duc des vrais amans. L’on notera également à l’appui de l’hypothèse « Louis II de Bourbon » que le duc des vrais amans est déjà âgé lorsqu’il fait son récit à Christine34 et que justement le duc de Bourbon était âgé d’au moins soixante-cinq ans au moment de la rédaction probable du texte ; du reste, Christine insiste, par contre, dans la biographie de Charles V sur le jeune aage de Jean35. Enfin, les voyages qu’entreprend le duc des vrais amans à la fin du texte cadreraient bien avec le profil du duc Louis II de Bourbon, qui participa à une expédition en Afrique du Nord et qui prit part au siège de Mahdia en Tunisie36.

Les deux manuscrits du Livre du duc des vrais amans : des recueils

  • 37 Sur la constitution des recueils d’auteur à l’époque, voir Cl. Dauphant, ...

26À l’instar de Guillaume de Machaut, Christine a souhaité diffuser ses œuvres sous la forme de manuscrits-recueils37. Le choix et la séquence des textes recueillis étaient susceptibles de créer un surplus de sens et surtout d’affermir sa figure d’auteur et de publicateur, capable de mener à bien le travail complexe de confection d’un recueil. Les manuscrits-recueils de Christine contenaient la majorité des œuvres qu’elle avait composées jusqu’alors, à l’exception d’œuvres trop volumineuses pour entrer dans un recueil, comme la Mutacion de Fortune, ou de traités didactiques en prose plus didactiques et circonstanciels, comme l’Advision Cristine ou le Livre du corps de policie.

27Au cours de sa carrière, Christine de Pizan a produit au moins cinq grands recueils de ses œuvres38. Bien que de facture homogène, ils sont, si l’on suit la typologie établie par Geneviève Hasenohr39, à la fois des recueils organiques (ils ont été conçus au départ comme des recueils d’auteur) et cumulatifs (ils ont subi au cours de la fabrication des modifications parfois importantes).

  • 40 Des numérisations de ces manuscrits sont désormais disponibles en ligne :...

  • 41 Le recueil était probablement destiné au départ au duc Louis d’Orléans et...

  • 42 La reine Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI.

28Le Livre du duc des vrais amans a été conservé dans deux de ces manuscrits-recueils originaux40 : Paris, BnF, fr. 836 (ff. 65r-98r), connu sous le nom de « Manuscrit du Duc »41 et produit dans les années 1406-1408, et Londres, British Library 4431 (ff. 143r-177v), connu comme le « Manuscrit de la Reine »42 et produit dans les années 1413-1414.

  • 43 G. Hasenohr, « Traductions et littérature en langue vulgaire », in Mise e...

29Dans les deux copies, le texte est transcrit sur deux colonnes, sur une page qui a été prévue pour accueillir du vers, comme l’attestent les lignes de réglure destinées à isoler la première lettre de chaque vers. Les passages en prose sont transcrits dans l’espace d’une colonne et non sur la largeur de la page. Ce type de disposition, sur deux colonnes, était couramment adopté à l’époque pour les manuscrits de textes français, et a priori pour les manuscrits de dédicace43.

30Le Manuscrit du Duc a été copié par la main R, avec la collaboration de la main P. Cette dernière semble avoir achevé la confection du recueil. Ainsi, c’est à la main P que revient l’exécution des titres et l’exécution de la plupart des corrections, sur la base des corrections effectuées par la main X. Dans le Manuscrit du Duc, le Livre du duc des vrais amans est copié dans la séquence suivante :

Chemin de lonc estude
Enseignemens à son fils
Oroison Nostre Dame
Dit de la pastoure
Oroison Notre Seigneur
Livre du duc des vrais amans
Epistre à la reine
Epistre à Eustache Morel
Proverbes moraux
Livre de prudence

31Le texte n’est pas copié dans la séquence d’œuvres d’inspiration courtoise sur laquelle s’ouvre le Manuscrit du Duc et où l’on trouve à la fois les pièces à formes fixes (ballades, rondeaux, lais) et les dits que sont les trois débats amoureux (Debat des deux amans ; Livre des trois jugemens ; Livre du dit de Poissy). Il pourrait s’agir d’une volonté de Christine de mettre en évidence la dimension didactique, voire morale, du Livre du duc des vrais amans, ce qui pourrait être corroboré par le fait que le texte est copié directement à la suite de l’explicit de l’Oroison Notre Seigneur, dans la même colonne et sur le même feuillet.

32[Image non convertie]

33Paris, BnF, fr. 836, fol. 65r © Paris, BnF

34Le Manuscrit de la Reine a été copié par la main X – soit vraisemblablement la main de Christine –, titres et corrections compris. Le Livre du duc des vrais amans y est copié dans la séquence suivante :

Debat de deux amans
Livre des trois jugemens
Livre de Poissy
Epistre Othea
Livre du duc des vrais amans
Chemin de lonc estude
Dit de la pastoure
Epistres sur le Roman de la Rose

35Le texte est, dans le Manuscrit de la Reine, rapproché de la séquence des textes d’inspiration courtoise du début du recueil, dont il n’est séparé que par l’Epistre Othea – qui se rapproche du Livre du duc par sa dimension didactique et morale ainsi que par sa destination à un prince (le duc d’Orléans ou Hector). Contrairement à ce qui était le cas dans le Manuscrit du Duc, le Livre du duc des vrais amans n’a pas été copié directement à la suite d’un autre texte, sur un même cahier, mais au début d’une section codicologiquement autonome du manuscrit, c’est-à-dire les cahiers 21 à 25, qui contiennent exclusivement le Livre du duc des vrais amans. Plus précisément, le texte commence au début de la colonne de droite du feuillet 143r, laissant la colonne de gauche vierge. Cette disposition particulière peut laisser supposer que Christine envisageait que le texte du Livre soit précédé d’un autre texte, ce qui pourrait être corroboré par le fait que ce cahier a été amputé de son premier folio ; Christine n’aura finalement pas trouvé de texte pour assurer la liaison.

36[Image non convertie]

37Londres, BL, Harley 4431, fol. 143r © British Library Board

  • 44 Le Dit de la pastoure ne prévoyait pas de titres courants, devenus indisp...

38En effet, le Manuscrit de la Reine est composé de sections manuscrites relativement autonomes : certaines ont été copiées un certain temps avant la confection du reste du manuscrit et Christine n’avait pas nécessairement envisagé de les y inclure. L’on se trouve bien dans la logique d’un recueil cumulatif, qui rassemble des copies de textes qui n’avaient pas été d’emblée pensées comme devant être recueillies44 et, qui plus est, dans cet ordre. Cette colonne vierge ne correspond pas à un choix esthétique de l’auteure, mais témoigne du caractère artisanal et parfois hâtif des processus de production de manuscrits chez Christine de Pizan. Contrairement au Manuscrit du Duc, le Manuscrit de la Reine s’ouvre, comme le recueil de Machaut, sur un prologue, adressé à la dédicataire du manuscrit, qui met en perspective la constitution textuelle, péritextuelle et matérielle du recueil :

[…] Haulte dame, en qui sont tous biens,
Et ma trés souvraine, je viens
Vers vous, comme vo creature,
16 Pour ce livre cy que je tiens
Vous presenter, ou il n’a riens,
En histoire n’en escripture
Pris ou stile que je detiens […] 
Et sont ou volume compris
Plusieurs livres es quieulx j’ay pris
A parler en maintes manieres
28 Differens, et pour ce l’empris
Que on en devient plus appris
D’oÿr de diverses matieres,
Unes pesans, aultres legieres,
32 A qui se delitte ou pourpris
Des livres, qui maint ont en pris
Fait monter et prendre manieres
Belles ; si doit on avoit chieres
36 Escriptures, non en despris. […]
Si l’ay fait, ma dame, ordener
Depuis que je sceus qu’assener
Le devoye a vous, si qu’ay sceu
52 Tout au mieulx et le parfiner
D’escripre et bien enluminer,
Dès que vo command en receu,
Selons qu’en mon cuer j’ay conceu
56 Qu’il faloit des choses finer
Pour bien richement l’affiner
A fin que fust apperceü
Que je mets pouoir, force et sceu,
60 Pour vo bon vueil enteriner45.

  • 47 J. Cerquiglini-Toulet, “Un engin si soutil”. Guillaume de Machaut et l’éc...

  • 48 S. Lefèvre, « Prologues de recueils et mise en oeuvre des textes : Robert...

39Christine souligne dans ce passage la diversité des œuvres et insiste sur la difficulté du travail46, tant intellectuel que matériel, exigé pour la confection du volume offert à la reine Ysabeau de Bavière. L’utilisation des termes parfiner, finer et affiner pourrait indiquer ce processus de rassemblement et d’uniformisation des sections constitutives du manuscrit, parfois matériellement hétérogènes ; l’on notera également l’importance du verbe ordener, qui s’inscrit dans la terminologie utilisée dès Guillaume de Machaut pour qualifier le travail d’agencement de ses œuvres47. Enfin, comme l’a noté S. Lefèvre48, Christine impose également d’emblée au dédicataire sa figure d’auteure (je viens, je tiens, je detiens, [je] retiens).

40Malgré les dissemblances codicologiques entre les deux manuscrits, il faut reconnaître que la mise en livre du texte est extrêmement proche dans les deux copies, tant au niveau du texte que de sa mise en page, à tel point qu’il semble plausible de supposer l’existence d’un modèle commun. Il faut vraisemblablement identifier ce modèle avec le manuscrit personnel de Christine, contenant l’état « définitif » du texte, et qu’elle gardait par devers elle. L’existence de tels manuscrits, qualifiés techniquement d’exemplar49, est attestée chez les contemporains de Christine, comme Jean de Montreuil50.

Conclusion

  • 51 T. Van Hemelryck, « Regards croisés de la littérature et de l’histoire du...

  • 52 C. Reno, « La mémoire de Christine de Pizan dans ses manuscrits », in Chr...

41Ce rapide tour d’horizon montre l’importance de considérer le texte dans son codex et son contexte pour appréhender de façon globale une œuvre littéraire dans la culture manuscrite médiévale51. Ainsi, l’étude de la circulation des manuscrits des textes de Christine, qui reste encore largement à faire52, a permis d’éclairer, avec le cas des inventaires de la famille Bourbon, la question, qui reste malgré tout centrale, du destinataire du Livre du duc des vrais amans. Par ailleurs, il serait utile d’approfondir l’étude des recueils de Christine pour comprendre tant les processus matériels que les choix esthétiques qui ont conduit à leur constitution ; ceux-ci, comme d’ailleurs l’étude de la circulation des manuscrits que l’on vient de rappeler, nous éclairent sur les modes de lecture et les usages des textes et des livres à l’aube de la Renaissance.

Notes

1 N. Pellegrin, Ecrits féministes de Christine de Pizan à Simone de Beauvoir, Paris, Flammarion, 2010 (Champs classiques), p. 7.

2 D. Poirion, Le poète et le prince. L’évolution du lyrisme courtois de Guillaume de Machaut à Charles d’Orléans, Paris, PUF, 1965.

3 Dans le système médiéval qui régit les relations entre le prince et le poète, celui-ci offre un manuscrit de son texte ou de ses œuvres (recueil) aux grands de l’époque en espérant obtenir une récompense sonnante et trébuchante, le contre-don.

4 J. Cerquiglini-Toulet, « Un engin si soutil ». Guillaume de Machaut et l’écriture au xive siècle, Paris, Champion, 1985 (Bibliothèque du xve siècle, 47) ; S. Huot, From Song to Book. The Poetics of Writing in Old French Lyric and Lyrical Narrative Poetry, Ithaca et Londres, Cornell UP, 1987.

5 R. H. Rouse et M. A. Rouse, Manuscripts and their Makers. Commercial Books Producers in Medieval Paris. 1200 – 1500, Londres-Turnhout, Harvey Miller Publishers-Brepols, 2000.

6 G. Ouy, « Nicolas de Clamanges (ca. 1360-1437), philologue et calligraphe : Imitation de l’Italie et réaction anti-italienne dans l’écriture d’un humaniste français au début du xve siècle », in Renaissance – und Humanistenhandschriften. Herausgegeben von Johanne Autenrieth unter Mitarbeit von Ulrich Eigler, Munich, Oldenbourg, 1988 (Schriften des Historischen Kollegs, 13), p. 31-50.

7 A. Petrucci, « Minuta, autografo, libro d’autore », in Atti del convegno internazionale « Il libro e il testo ». Urbino, 20-23 settembre 1982, Urbino, Università degli studi, 1984 (Pubblicazioni dell’università di Urbino. Scienze umane. Atti di congressi, 1), p. 397-414.

8 Christine de Pizan, Le Livre de l’advision Cristine (C. Reno et L. Dulac, éd.), Paris, Champion, 2001 (Études christiniennes 6), III, §10, p. 100.

9 Sur une telle logique dans les premiers imprimés de textes français, C. J. Brown, Poets, patrons, and printers. Crisis of authority in late medieval France, Ithaca – Londres, Cornell UP, 1995.

10 G. Ouy, « Autographes calligraphiés et scriptoria d’humanistes en France vers 1400 », Bulletin philologique et historique (jusqu’à 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques. Année 1963. Actes du 88e Congrès national des Sociétés savantes tenu à Clermont-Ferrand, 1966, p. 891-898.

11 C. Bozzolo, D. Coq, D. Muzerelle et E. Ornato, « Une machine au fonctionnement complexe : le livre médiéval », in La face cachée du livre médiéval. L’histoire du livre vue par Ezio Ornato ses amis et ses collè­gues (E. Ornato, éd.), Rome, Viella, 1997 [parution originale : Le texte et son inscription (R. Laufer, éd.), Paris, CNRS, 1989, p. 69-78], p. 88.

12 K. Fianu, « Les femmes dans les métiers du livre à Paris (xiiie-xve siècle) », in La collaboration dans la production de l’écrit médiéval. Actes du XIIIe colloque du Comité international de paléographie latine (Weingarten, 22-25 septembre 2000) (H. Spilling, éd.), Paris, École nationale des Chartes, 2003 (Matériaux pour l’Histoire, 4), p. 459-481.

13 Par ex. éd. D. Lechat et D. Demartini, p. 355-356 et v. 8536-8544.

14 J. Cerquiglini-Toulet, « Fondements et fondations de l’écriture chez Christine de Pizan. Scènes de lecture et scènes d’incarnation », in The City of Scholars. New Approaches to Christine de Pizan (M. Zimmermann et D. De Rentiis, éd.), Berlin, De Gruyter, 1994, p. 80-96.

15 O. Delsaux et T. Van Hemelryck, Les manuscrits autographes en français au Moyen Âge. Guide de recherches, Turnhout, Brepols, 2014 (Texte, Codex & Contexte 15).

16 Intervention sur le texte de la copie ; taux de faute très faible ; caractère extravagant de l’écriture ; exécution des lieux les plus délicats et les plus stratégiques des manuscrits (tables, titres courants, rubriques).

17 Préparation des corrections des autres mains ; improvisation de certaines corrections exclusives à un manuscrit ; amélioration du texte ; correction de fautes du modèle ; uniformisation du péritexte.

18 Par exemple, dans le 1er rondeau du texte : « A celle fin qu’a vaillance je tyre, / Vueilles moy tost pourveoir de maistrece » (v. 75-76)] « Pourvoyez moy de dame et de maistresse » (Harley 4431, fol. 143v, sur grattage).

19 C. Reno, G. Ouy et I. Villela-Petit, Album Christine de Pizan, Turnhout, Brepols, 2012 (Texte, Codex & Contexte 14).

20 O. Delsaux, « Profil d’un des copistes des manuscrits originaux de Christine de Pizan : P. De La Croix, alias la main R », Scriptorium, 65, 2011, p. 251-297.

21 G. Ouy et C. Reno, « Identification des autographes de Christine de Pizan », Scriptorium, 34, 1980, p. 221-238 ; T. Van Hemelryck, « Manuscrits autographes et corrections d’auteurs à la fin du Moyen Âge. Le cas controversé de Christine de Pizan », in Le livre au fil de ses pages. Actes de la 14e journée d’étude du Réseau des Médiévistes belges de Langue française (Université de Liège, 18 novembre 2005) (R. Adam et A. Marchandisse, éd.), Bruxelles, 2009 (Archives et bibliothèques de Belgique 87), p. 101-118 ; C. Reno, G. Ouy et I. Villela-Petit, Album Christine de Pizan, Turnhout, Brepols, 2012 (Texte, Codex & Contexte 14) ; O. Delsaux, Manuscrits et pratiques autographes à la fin du Moyen Âge. L’exemple de Christine de Pizan, Genève, Droz, 2013 (PRF 258).

22 Christine de Pizan, Livre des trois Vertus, éd. Ch. C. Willard et E. Hicks, Paris, Champion, 1989 (Bibliothèque du xve siècle 50), I, chap. 26, p. 109.

23 Paris, BnF, fr. 12779 ; Chantilly, BC, 492-493 ; voir infra point 4 « Les deux manuscrits du Livre du duc des vrais amans : des recueils ».

24 A. Derolez, Les catalogues de bibliothèques, Turnhout, Brepols, 1979 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental 31).

25 A. Le Roux de Lincy, Catalogue de la bibliothèque des ducs de Bourbon en 1507 et en 1523, Paris, Crapelet, 1850.

26 L. Boislisle, « Inventaire des bijoux, vêtements, manuscrits et objets précieux appartenant à la comtesse de Montpensier (1474) », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 17, 1880, p. 269-309, en part. p. 299. Sur Gabrielle de la Tour et ses livres, voir C. Beaune et É. Lequain, « Femmes et histoire en France au xve siècle : Gabrielle de la Tour et ses contemporaines », Médiévales, 38, 2000, p. 111-136.

27 Contrairement à ce qu’affirme L. Boilisle concernant l’entrée de l’inventaire 1507 (« Le transcripteur ou l’éditeur de l’inventaire de 1507 a mis duc pour dict », p. 299, note 5), c’est sans doute le rédacteur de 1474 qui a fait la faute ; jusqu’à plus ample information, aucun texte français ne présente le titre de Dict des vrays amans.

28 Christine de Pizan, Epistre de la Prison de Vie Humaine, éd. A. J. Kennedy, Glasgow, French Department, University of Glasgow, 1984 ; J. C. Laidlaw, « The Date of the Queen’s MS (London, British Library, Harley MS 4431) », article en ligne http://www.pizan.lib.ed.ac.uk/harley4431date.pdf.

29 H. Omont, Anciens inventaires et catalogues de la Bibliothèque nationale, t. I, La librairie royale à Blois, Fontainebleau et Paris au xvie siècle, Paris, 1908 ; U. Baurmeister et M.-P. Laffitte, Des livres et des rois. La bibliothèque royale de Blois, Paris, BnF, 1992. Pour information, le livre n’apparaît pas dans l’inventaire des livres conservés au château des ducs de Bourbon à Moulins en 1523 (A. Le Roux de Lincy, op. cit.).

30 Christine de Pizan, Œuvres poétiques, éd. M. Roy, Paris, Firmin Didot, SATF, t. III, p. xv. Voir aussi, S. Solente, « À propos d’un livre récent sur Christine de Pisan », Revue belge de philologie et d’histoire, 8 (1929), p. 350-359, en part. p. 358.

31 M.-J. Pinet, Christine de Pisan (1364-1430). Étude biographique et littéraire, Paris, Champion, 1927 (Bibliothèque du xve siècle 35), 1927, p. 258 ; Ch. C. Willard, The Writings of Christine de Pizan, p. 37-38 ; éd. D. Lechat et D. Demartini, p. 19.

32 « En sa jeunesce fu prince bel, gracieulx, amiable, jolis, joyeux festoiant et de honnourable amour amoureux et sanz pechié, selon que relacion tesmoigne, joieux, gentil en ses manieres, benigne en ses paroles, larges en dons, avenant en ses fais, d’acueil si gracieux que tiroit a lui amer princes, princepces, chevaliers, nobles et toutes gens, qui le frequentoient et veoient. » (Le livre des faits et bonnes meurs du sage roy Charles V par Christine de Pisan, éd. S. Solente, Paris, SHF, 1936, Livre I, chap. XIV, t. I, p. 153).

33 Ibidem, p. 159.

34 « Ou maint yver et esté / Il a par lonc temps esté / Pour Amours, ouquel servage / Est ancor son cuer en gage. » (prologue, éd. D. Lechat et D. Demartini, v. 17-20) […] « Plusieurs ans a ja passez […] Jone et moult enfant estoye / Quant ja grant peine mettoye / A amoureus devenir » (texte proprement dit, v. 41-43).

35 Éd. S. Solente, t. I, p. 160.

36 Cabaret d’Orville, La Chronique du bon duc Loys de Bourbon (A.-M. Chazaud, éd.), Paris, Renouard, 1876 (SHF), p. 220-257.

37 Sur la constitution des recueils d’auteur à l’époque, voir Cl. Dauphant, La poétique des œuvres complètes d’Eustache Deschamps (ms. BnF fr. 840) : composition et variation formelle, Paris, Champion, 2015 (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge 114).

38 Quatre manuscrits intégraux (le Livre de Christine, conservé dans deux exemplaires : Chantilly, Bibl. du Château, 492-493 et Paris, BnF, fr. 12779 ; le recueil du duc de Berry, maintenant divisé en cinq volumes (BnF, fr. 835-606-836-605-607) ; le recueil de la Reine Isabeau de Bavière (Londres, BL, Harley MS 4431)) et deux fragments (Leyde, UB, Ltk. 1819 et Paris, BnF, nafr. 14852), provenant vraisemblablement du même recueil.

39 G. Hasenohr, « Les recueils littéraires français du xiiie siècle : public et finalité », Archives et bibliothèques de Belgique, n° spécial 60 (1999), Codices Miscellanearum. Colloque Van Hulthem, Bruxelles 1999 (R. Jansen-Sieben et H. van Dijk, éd.), p. 37-50 ; T. Van Hemelryck et C. Reno, « Dans l’atelier de Christine de Pizan. Le manuscrit Harley 4431 », dans Pecia, 13, 2010, p. 267-286.

40 Des numérisations de ces manuscrits sont désormais disponibles en ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8449048s.r=%22fran%C3%A7ais%20836%22?rk=21459;2 et http://www.pizan.lib.ed.ac.uk/gallery/index.html.

41 Le recueil était probablement destiné au départ au duc Louis d’Orléans et fut finalement acquis par son oncle, Jean de Berry, peu après l’assassinat de son neveu, Louis d’Orléans, en novembre 1407.

42 La reine Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI.

43 G. Hasenohr, « Traductions et littérature en langue vulgaire », in Mise en page et mise en texte du livre manuscrit (H.-J. Martin et J. Vezin, éd.), Paris, Éditions du Cercle de la Librairie-Promodis, 1990, p. 268.

44 Le Dit de la pastoure ne prévoyait pas de titres courants, devenus indispensables dans le cadre d’un recueil.

45 Éd. M. Roy, t. I, p. xiv-xv.

46 T. Van Hemelryck et C. Reno, « Dans l’atelier de Christine de Pizan. Le manuscrit Harley 4431 », art. cit.

47 J. Cerquiglini-Toulet, “Un engin si soutil”. Guillaume de Machaut et l’écriture au xive siècle, Paris, Champion, 1985, en part. p. 15-21.

48 S. Lefèvre, « Prologues de recueils et mise en oeuvre des textes : Robert de Blois, Christine de Pizan et Antoine de La Sale », in Seuils de l’oeuvre dans le texte médiéval (E. Baumgartner et L. Harf-Lancner, éd.), Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2002, p. 89-125.

49 F. Duval, Les mots de l’édition de textes, Paris, École des chartes, 2015.

50 Jean de Montreuil, Opera, éd. N. Grévy-Pons, E. Ornato et G. Ouy,Turin-Paris, Giappichelli-CEMI, 1963-1975, en part. t. II, p. 2-8.

51 T. Van Hemelryck, « Regards croisés de la littérature et de l’histoire du livre », in La librairie des ducs de Bourgogne. Manuscrits conservés à la Bibliothèque royale de Belgique, vol. 3, Textes littéraires (B. Bousmanne, T. Van Hemelryck et C. Van Hoorebeeck, éd.), Turnhout, Brepols, 2006, p. 11-17.

52 C. Reno, « La mémoire de Christine de Pizan dans ses manuscrits », in Christine de Pizan. Figures d’auteur, figures d’autorité, figures exemplaires (O. Delsaux et T. Van Hemelryck, éd.), Turnhout, Brepols, 2015, p. 67-84.

Pour citer cet article

Olivier Delsaux et Tania Van Hemelryck, «Le Livre du duc des vrais amans : Codex et contexte», Op. Cit. [En ligne], Op. Cit., Agrégation lettres 2017, Moyen Âge, mis à jour le : 25/10/2016, URL : http://opcit.ramure.net/opcit/index.php?/op-cit/agregation-2017/moyen-age/index.php?/op-cit/agregation-2017/moyen-age/117-le-livre-du-duc-des-vrais-amans-codex-et-contexte.

Quelques mots à propos de :  Olivier Delsaux

Université de Louvain – Université Saint Louis-Bruxelles

Quelques mots à propos de :  Tania Van Hemelryck

Fonds de la recherche scientifique – Université de Louvain

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