Moyen Âge
Agrégation lettres 2017

Douglas Kelly

Les « estranges voyes » de l’amour dans le Duc des vrais amants

Article
  • 1 Christine de Pizan, Le Livre du Duc des vrais amants, éd. D. Demartini et ...

  • 2 Voir le glossaire de l’édition s.v. voye, p. 466-467.

1Dans le prologue au Livre du Duc des vrais amants, Christine de Pizan nous apprend qu’un Duc anonyme lui a demandé de raconter dans un Dit son expérience amoureuse, y compris « Les griefs anuis et les joyes, / Les fais, les estranges voyes / Par ou est depuis passez, / Pluseurs ans a ja passez1. » Les faits qui sont la source des tourments et des joies qu’il a connus pendant plusieurs années constituent les « estranges voyes » de sa vie amoureuse. Il y a donc plusieurs voies2 qu’on retrouve dans les amours du Duc et de la Princesse dont il s’éprend. Quelles sont ces voies et pourquoi sont-elles si étranges ?

2Le jeune Duc s’engage dans une deuxième voie quand le dieu d’amour avec sa mère Vénus l’y conduit parce qu’il a décidé qu’il est temps d’être amoureux (Duc, v. 71-74, 231-32, 477-79). Il quitte donc la première voie, celle de son « enfance premiere » afin de « vivre d’aultre maniere » (Duc, v. 291-292), en suivant une nouvelle voie étrange, justement parce qu’il ne sait pas encore comment s’y conduire :

Car tres lors fut separee
De moy ma tres simple enfance.
Et sans cuidier faire offense
Amours me fist celle amer
Par qui je muir. (Duc, v. 1760-1764)

3Ensuite, dans la première lettre qu’il adresse à la Princesse qu’il a choisi d’aimer, le Duc lui demande « quelle voye vous voulez que je prengne, ou mort ou garison » (Lettre I, p. 268, l. 36-37). Deux voies s’ouvrent maintenant devant lui. La Princesse qu’il aime décidera de son sort : au bout de sa nouvelle voie il trouvera ou la vie amoureuse qu’il souhaite ou bien la mort si elle refuse de l’aimer.

  • 3 Sur la réécriture du Roman de la Rose dans le Duc des vrais amants, voir l...

  • 4 Sur le gradus amoris, voir L. J. Friedman, « Gradus amoris, » Romance Phil...

  • 5 Voir aussi les v. 231-232, 479, 2843-2845, 3016-17.

  • 6 Adapté de C. Buridant, trad., André le Chapelain : traité de l’amour court...

4Les lecteurs du Duc des vrais amants se rappelleront la voie de l’amant évoquée par Guillaume de Lorris dans le Roman de la Rose, voie qui se prolonge dans la continuation écrite par Jean de Meun, poème que Christine connaissait bien3. La voie dans laquelle s’engage le jeune Duc est donc analogue à celle du nouvel amoureux appelé Amant dans le Roman de la Rose. C’est un gradus amoris4, c’est-à-dire, « la sente…des vrays amoreux » (Duc, v. 3042-30435) selon Christine. D’ordinaire, ce gradus amoris suit des étapes prévues et évidentes dans le Roman de la Rose et aussi dans le Duc des vrais amants : la vue de la personne aimable, la pensée obsédante, l’allocution, les embrassements et baisers et enfin l’octroi de toute la personne6. Dans le jardin de la rose, Amant voit une très belle rose qu’il assimile à une jeune demoiselle aimable. Ce coup d’œil provient du regard de la jeune fille qu’il y rencontre. Comme une flèche, ce doux regard va jusqu’au cœur d’Amant où il fait naître l’amour qui le mènera jusqu’à la cueillette de la rose, fin de son gradus amoris dans la continuation de Jean de Meun.

5Mais les deux voies, celle de la Roman de la Rose et celle du Duc, n’ont pas le même dénouement. Afin de comprendre pourquoi, il faut tenir compte des raisons pour lesquelles chaque amant veut aimer. Quand le Duc se met en quête d’amour, il veut trouver « La droitte voye a tenir / Qui fait vaillant devenir » (Duc, v. 531-532). Cet amour l’aidera à devenir un excellent chevalier, car Amour inspirera chez lui la prouesse qui doit assurer la gloire et ainsi rendre l’amoureux non seulement plus aimable comme dans le Roman de la Rose, mais aussi « preudomme » (Duc, v. 550-553 et la Lettre I, p. 268, l. 22-26). Cette vision de l’amour et le désir qu’elle fait naître ne quitteront plus le Duc. Il espère avancer dans la voie d’un amour digne d’un chevalier après avoir quitté son « enfance premiere », ce qui ne l’empêche pas de désirer ardemment embrasser celle qu’il aime. Ce désir l’aide à surmonter la timidité et à confesser humblement son amour et son désir. Ainsi, dans la première lettre qu’il adresse à la Princesse, il lui prie d’agréer son amour et de le guérir en le mettant en « Voye d’avoir soulas qui me ravoye » (Duc, v. 2314), non celle qui mène à la mort. Jusqu’ici Christine place le Duc, en tant que chevalier, sur un gradus amoris conventionnel. Dans son milieu, cet amour chevaleresque date des romans de Chrétien de Troyes et n’a rien d’étrange dans les romans et les Dits depuis le xiie siècle. Pourtant, le « soulas » que le Duc désire ne sera pas celui de Lancelot dans le Chevalier de la charrette de Chrétien ni d’Amant dans le Roman de la Rose.

La voie d’amour chaste

  • 7 Voir aussi Lettre I, p. 268, l. 32-35.

  • 8 Voir aussi v. 2173-2182, 2198-2202.

6Le Duc demande « alegence » (v. 2332), ce qui ne manque pas d’inquiéter la Princesse car dans le gradus amoris traditionnel ce soulagement vient, comme chez Lancelot et Amant dans le Roman de la Rose, de l’acte d’amour, au terme de la voie amoureuse. Or, cette jouissance si ouvertement représentée sans ambages à la fin du Roman de la rose serait déshonorante, selon la Princesse, car, quoique jeune, elle est aussi une dame mariée. Elle demande donc au Duc d’expliquer ce qu’il désire : « Et quant est de vous donner allegance, laquele me requerez, mon chier ami, je ne sçay quelle est l’entente de vostre requeste » (Lettre II, p. 276, l. 9-107). S’il entend la dernière étape du gradus amoris, ce « villain penser » (Lettre II, p. 276, l. 17) serait inacceptable parce que déshonorant. Elle refuse donc de s’engager dans cette voie-là. Le Duc s’empresse de la rassurer : leur gradus amoris ne nuira pas à l’honneur de la Princesse. Selon lui, voir sa dame sera « souffisance », car « Sans vous veoir souffisance n’aroye » (Duc, v. 16278). Cette « alegence » le satisfera. C’est, prétend-il, le seul soulagement qu’il désire et c’est ce qu’il a voulu dire dans sa première lettre. Cette nouvelle voie chaste peut en effet sembler étrange comme dernière étape vis-à-vis du gradus amoris traditionnel.

  • 11 Histoire des seigneurs de Gavre, éd. R. Stuip, Paris, Champion, 1993, p. ...

7Le Duc avait déjà confié à un cousin son désir de trouver une dame capable d’éveiller son amour et par conséquent de l’aider à atteindre la prouesse chevaleresque que l’amour doit inspirer. Cette confession a lieu un jour que lui et quelques autres compagnons partent avec le cousin à la chasse aux lapins. On suivait un chemin « Ou connilz9 assez savoye » (Duc, v. 104). C’est pendant cette chasse qu’ils trouvent des dames parmi lesquelles il finit par rencontrer la Princesse dont il s’éprend dès qu’il la voit. Le double sens de connin était courant à l’époque de Christine et se trouvait déjà dans le Roman de la Rose (Duc, p. 141 n. 8). La Princesse a donc raison d’exiger la transparence dans l’amour que le Duc lui propose si elle veut éviter le déshonneur. Il s’agira donc désormais de part et d’autre d’un amour qui permettra les baisers mais non le « villain penser » de l’amour concupiscent. Cet amour plutôt chaste est un motif courant dans les romans médiévaux à l’époque de Christine de Pizan10. Celle-ci avait elle-même favorisé l’amour chaste au service de la prouesse à partir du débat sur le Roman de la Rose, convaincue sans doute que « de baisier et acoler est pou de chose, car autant en emporte le vent » mais que l’abandon du corps n’est permis que dans le mariage11. Cet amour qui pouvait peut-être sembler étrange à d’autres parce que chaste était pour Christine non seulement possible mais honorable :

Je croy que plusseurs ont amey loyaument et parfaitement qui onques n’y couchierent, ne onques ne deseurent ne furent deceu, de qui estoit principale entencion que leurs meurs en vaucissent mieulx, ‒ et pour celle amour devenoyent vaillans et bien renommés, et tant que en leur viellesce ilz louoient Dieu qu’ilz avoient esté amoureux12.

8Donc, tout commence très bien et sans problèmes dans la nouvelle voie d’amour chaste qui s’ouvre au Duc et à la Princesse. Les jeunes amoureux s’entendent sur la chasteté, essentielle à un amour qui doit être source de la prouesse du bon chevalier. Le Duc ne tarde pas à remporter le prix aux joutes en portant la manche de sa nouvelle dame.

9Les jeunes amoureux trouvent ensuite moyen de se rencontrer clandestinement. Au premier rendez-vous, la Princesse accueille le Duc avec un baiser : « en baisant me receut » (Duc, v. 2679). Puis ils s’entendent à nouveau sur le fait que leur amour sera sans vilenie et que le Duc continuera à se conduire comme « preudomme » parmi « les vaillans » grâce à son amour (Duc, v. 2853-2854). Pour sa part, la Princesse

tres doulcement m’embrace
Et plus de cent fois me baise.
Si demouray en cel ayse
Toute la nuyt, et croiez
Vous, amans qui ce oyez,
Qu’a mon aise bien estoie. (Duc, v. 2859-2864)

10C’est ainsi que Christine dépeint « l’alegence‒souffisance » des amours chastes. Deux confidents sont présents pendant leur premier rendez-vous secret : la servante et le secrétaire de la Princesse « qui bien savoit secret taire » (Duc, v. 2352) ; ces deux personnages sont témoins et garants de l’honneur préservé.

11On aurait peut-être pu croire à cet amour chaste si Christine avait écrit le Duc des vrais amants à l’époque du débat sur le Roman de la rose. Mais Christine ne croit plus à cet idéal d’un amour pur. Il faut en outre se rappeler qu’il y a chez la Princesse un tiers à qui les amoureux sont obligés de cacher leurs rendez-vous : un époux qui est seigneur et maître de la Princesse (Duc, v. 2223-2224). Il s’agit d’un mauvais mariage. Voilà comment la Princesse le décrit ailleurs : « vous savez assez l’estat comment je suis gouvernee et tenue en grant subgecion et crainte et rudement menee, et que j’ay assez dure partie qui pou me fait de plaisir » (Lettre IV, p. 330, l. 6-9). Son époux est plus âgé qu’elle et devient jaloux quand il apprend la liaison de sa jeune épouse et du Duc, jeune homme lui aussi (v. 2092). Le Mari jaloux, abusif et violent, du Roman de la Rose réapparaît comme époux-maître de la Princesse.

  • 13 Sur le danger que représentent les servants avertis ou même les confident...

12Il y a d’autres anomalies troublantes dans cet amour chaste. On retrouve non seulement le Mari jaloux du Roman de la Rose en époux-maître de la Princesse mais aussi la confidente-servante qui, à l’instar de la Vieille dans le même roman, aide la Princesse à cacher ses rendez-vous clandestins13. Ces personnages stéréotypés facilitent l’amour de la Princesse qui, parce que son vieux mari est peu aimable, n’oppose guère de résistance, pourvu que son honneur soit sauf. En outre, le cousin de la Princesse révèle à sa cousine l’amour du Duc en prétendant avoir sincèrement cherché à le détourner d’une passion qui l’a lancé dans la voie étrange de l’amour chaste.  « Certes, mis ay / Toute peine a l’en desmettre, / Mais je vous dis, a la lettre, / Qu’il se muert s’il n’a secours » (Duc, v. 2148-2151). Or, ce n’est pas vrai, car ce cousin, comme Ami dans la Roman de la Rose, a encouragé le Duc à faire la cour à la Princesse. Ce cousin peut fréquenter sa cousine parce que l’époux de cette dernière ne le soupçonne pas. Ces multiples conspirateurs auprès du Duc et de la Princesse poussent les jeunes ingénus vers un amour dont la chasteté doit leur permettre d’éviter le déshonneur du gradus amoris conventionnel.

Sebille de Monthault dans le rôle de Raison

13Ayant changé d’opinion depuis le débat sur le Roman de la Rose, Christine introduit un nouveau personnage dans son Dit, un personnage dont le nom rappelle Raison dans le Roman de la Rose. Il s’agit de Sebille de Monthault, dame de la Tour. Comme Raison dans le Roman de la Rose, cette dame descend de sa tour afin de juger la conduite des amoureux.

  • 14 Le Chemin date d’environ 1402-1403, suivi bientôt par le Duc entre 1403-1...

  • 15 Christine de Pizan, Le Chemin de longue étude, éd. A. Tarnowski, Paris, L...

  • 16 À l’époque de Christine, l’univers était partagé entre les quatre élément...

14Le nom de cette dame rappelle aussi la sibylle présente dans un autre Dit de Christine. Dans Le Chemin de longue étude14, la sibylle de Cumes parle au nom de Raison mais aussi de la Sagesse. « Amarresse de sapïence15 », elle révèle à Christine non seulement les vastes royaumes qui couvrent toute la terre, mais la fait aussi monter jusqu’au firmament, c’est-à-dire jusqu’à la limite de son « entendement trop rude » (Chemin, v. 2026) pour aller plus loin. Après être parvenues à cette hauteur, la sibylle de Cumes et Christine redescendent « par une estrange voye » (Chemin, v. 2059) jusqu’à ce qu’elles parviennent au ciel de l’air (Chemin, v. 2061)16. Cette nouvelle voie étrange rappelle celle du prologue du Duc des vrais amants sur laquelle cheminent les amoureux pendant de longues années. Leur gradus amoris subit donc les Influences et Destinées qui, dans ce nouveau chemin, se manifestent à travers le monde que ces puissances « triboulent et desvoyent » sans cesse (Chemin, v. 2130) en même temps que « la descordable Fortune » (Chemin, v. 2212). Elles s’imposent partout, y compris dans la vie des amoureux. Christine y observe tous les biens et tous les maux causés par Fortune dans le monde, y compris « Haynë, Amour, Honneur / Qui Monte, / Servitude, Franchise et Honte, / Cupido, Jocus, dieux d’amours, / Les filz Venus de franches mours, / Et d’autres tieulx gens a millers » (Chemin «  v. 2247-2251). Voilà en effet le contexte moral de l’amour chaste que la Dame de la Tour va révéler à la Princesse.

15Selon cette Dame de la Tour, la même Fortune qui avait favorisé la Princesse auparavant continue à tourner sa roue (Duc, v. 3125-3132). La servante qui l’avait aidée lors des visites clandestines du Duc a dû partir. Il faut donc trouver une nouvelle confidente pour que les amants puissent continuer à se rencontrer. La Princesse se souvient de cette ancienne gouvernante et amie, Sebille de Monthault ; elle l’invite donc à venir reprendre son service, tout en lui révélant ses ennuis conjugaux et sa liaison chaste avec le Duc.

  • 17 Voir des propos susceptibles d’offenser Dieu aux v. 405-410, 788-790 (qui...

  • 18 Lettre V, p. 340, l. 106, p. 346, l. 204 et 221 et p. 348, l. 230, et dan...

  • 19 Sur cette traduction de cuidier, voir N. Andrieux-Reix, Ancien français :...

16Conforme à son rôle comme Raison, Sebille s’en prend systématiquement aux idées favorables à l’amour chaste. Ce faisant, elle ruine implicitement l’opinion de Christine elle-même dans le débat sur le Roman de la Rose. Comme Christine dans ce débat, la Princesse pense aimer par amour pourvu « qu’il n’y ait villennie » (Lettre V, p. 336, l. 72). Sebille rétorque en évoquant le déshonneur inévitable même si les amoureux évitent « De faire chose villaine » (Duc, v. 2744) : « Ha ! Ma chiere dame, il va tout autrement ! » (Lettre V, p. 338, l. 75-76). Et Sebille de Monthault de signaler non seulement le déshonneur qui menace la Princesse (Lettre V, p. 334, l. 24-26) mais aussi le péché si son amour adultère offense Dieu (Lettre V, p. 346, l. 193-19517). « Que cuidez vous ? » demande-t-elle plusieurs fois dans la lettre qu’elle écrit18 pour dénoncer les illusions amoureuses de la Princesse, et surtout la présomption19 de croire pouvoir dominer la passion en aimant chastement. Comme réponse à la demande de la jeune Princesse de venir l’aider, Sebille invente un prétexte qui est en effet un pieux mensonge : sa fille étant malade, elle ne saurait la quitter maintenant. En fait, elle abandonne la Princesse au sort qui l’attend si elle ne renonce pas immédiatement à son amour.

17Christine recommande un prétexte de ce genre dans le Livre des trois vertus, ouvrage dans lequel elle insère la lettre de Sebille de Monthault comme exemple de la conduite à suivre quand on se trouve confronté à pareille attitude chez une jeune fille dont on a la tutelle (Trois vertus, p. 104-120). Mais il y a une différence importante entre la chasteté de l’amour dans le Duc des vrais amants et la passion de la jeune demoiselle du Livre des trois vertus. L’amour de cette dernière ressemble davantage à l’amour du Roman de la Rose qu’à celui de la Princesse dans le Duc des vrais amants. Et par surcroît de malheur, la Dame gouvernante dans les Trois vertus est encore au service de la jeune princesse qui vient de découvrir l’amour-passion. La dame doit la quitter prudemment avant que le malheur n’arrive et qu’elle ne soit tenue pour responsable de la faute, une fois qu’elle sera révélée.

  • 20 Il s’agit bien d’une personnification qui a les yeux pour voir et la facu...

18Sebille de Monthault demeure dans sa tour plutôt que de se rendre chez la Princesse ; elle se contente d’implorer celle-ci de mettre un terme à sa liaison avec le Duc, tout en lui prédisant les épreuves qui ne manqueront pas de survenir même si son amour reste chaste. Le refus de la Dame de la Tour de venir en aide à la Princesse correspond à celui de Raison dans le Roman de la Rose : celle-ci se retire totalement quand ses conseils ne sont pas suivis. Or, la première réaction de la Princesse en lisant la réponse de Sebille de Monthault est positive : elle est persuadée par les conseils de Sebille qui lui ouvre « les yeulx de » Raison20 (Lettre VI, p. 354, l. 17). La Princesse se rend compte qu’il faut mette un terme à sa liaison avec le Duc. On peut donc se demander quelle aurait été la suite si la Dame était effectivement descendue de sa Tour afin d’aider et de conseiller la jeune fille dont elle était la gouvernante. Pour mieux évaluer la perspective de Christine, on peut retourner d’abord au Roman de la Rose et au Chemin de longue étude, afin de suivre les va-et-vient de Raison dans ces trois œuvres.

  • 21 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la rose, éd. A. Strubel,...

19Dans le Roman de la Rose, Raison intervient d’abord dans la partie écrite par Guillaume de Lorris. À un moment difficile dans le gradus amoris d’Amant, Raison, « La dame de la haute garde, / Qui de sa tor aval esgarde21 », entend les plaintes d’Amant et estime qu’il a besoin de son secours. Donc elle est « de sa tor avalee » (Rose, v. 2974) afin de lui reprocher la folie amoureuse qui cause son égarement et sa détresse. Après l’échec de cette tentative, Raison « s’est departie / Qui voit bien que par sermoner / Ne m’en porroit de ce torner » (Rose, v. 3094-3096). Jean de Meun récrit cette confrontation quand Amant doute à nouveau du succès de sa quête de la rose. Raison redescend donc auprès de lui. Son sermon est bien plus long que chez Guillaume de Lorris mais toujours inefficace : elle ne réussit pas à détourner Amant de son amour en dépit des réflexions de celui-ci plutôt favorables à la leçon de Raison (Rose, v. 4144-4151). Ennuyé par les leçons de Raison sur la folie amoureuse qu’Amant trouve trop longues et difficiles à comprendre, il se tourne à nouveau vers Ami, prêt désormais à suivre la voie de la séduction que ce dernier propose. Chez Christine aussi, la jeune Princesse s’est montrée dans un premier temps prête à suivre les conseils de Sebille. Bien qu’elle ait perdu l’aide de sa servante, le Duc est encore là. La Princesse l’écoute et finit par reprendre avec lui « l’estrange voye » de leurs amours. Cette voie mène désormais au déshonneur dans le monde et à la jalousie des deux amoureux.

  • 22 Sur Christine comme antigraphe voir D. Kelly, Christine de Pizan’s Changi...

20Avant d’analyser cet échec annoncé par la Dame de la Tour et qui ne tarde guère à se réaliser, ouvrons encore une fois Le Chemin de longue étude pour examiner le rôle de Raison dans le débat sur les malheurs dont la France est accablée. Qui en est responsable ? Cette question provoque un débat dans lequel Sagesse, Noblesse, Chevalerie et Richesse donnent leurs opinions et essaient de justifier ce que chacune pourrait faire pour y remédier. Christine joue le rôle d’antigraphe, c’est-à-dire de secrétaire qui enregistre leurs paroles, rôle qu’elle assume auprès du Duc dans le Dit qu’il lui demande d’écrire à partir de son expérience amoureuse22.

21Ce débat qui intervient dans la dernière partie du Chemin de longue étude oppose ces quatre personnifications, auxquelles s’ajoutent les interventions critiques de Raison. Chacune explique pourquoi elle seule est capable de gouverner la France et de sauver le royaume. Raison est juge. Mais cette dernière n’est-elle pas coupable elle aussi d’avoir abandonné la France pour se réfugier dans sa tour ? Le contraste est frappant dans ce débat où Raison stigmatise d’abord les quatre personnifications pour avoir contribué aux malheurs de la nation plutôt que de s’unir afin d’atteindre le bien tandis qu’elle aussi est responsable, selon Sagesse, parce qu’elle a abandonné le monde pour se réfugier dans sa tour.

Adont Sagece l’atrempee,
Sans de nulle yre estre frappee,
Respondi moult rassisement
Et dist : « Dieux, ma dame, comment
Me blasmez vous dont n’ay retrait
Le monde du mal ou il trait ?
Et comment l’en peusse retraire,
Sans vous qui ça vous voltes traire
Pour ce que les mondains entendre
Ne vous vouloient, n’a bien tendre ?
Et sans vous comment le feïsse23 ? (Chemin, v. 2991-3001)

22Se réfugier dans sa tour n’était pas bien sage. Christine condamne-t-elle ainsi implicitement la même abstention chez la Dame de la Tour quand elle ne vient pas aider la Princesse ?

23Comment doit-on évaluer le rôle de Raison dans tous ces Dits où elle s’absente plutôt que d’aider directement à rétablir l’ordre dans le royaume ou bien dans la vie amoureuse ? Pour répondre à cette question, revenons maintenant au Livre des trois vertus dans lequel réapparaît Raison, en compagnie cette fois des dames Droiture et Justice, venues tout droit de la Cité des dames et qui parlent comme les sibylles ailleurs chez Christine. Elles expliquent comment détourner les princesses amoureuses de la calamité que connaîtront aussi les amoureux dans le Duc des vrais amants. Elles versent en outre au dossier la Lettre V de Sebille de Monthault.

24Dans les Trois vertus, Christine conseille à la gouvernante de se retirer comme la Dame de la Tour quand la jeune Princesse dont elle est responsable tombe amoureuse et refuse de se corriger. Etant donné la responsabilité de cette maîtresse, Christine estime qu’il serait préférable que celle-ci quitte prudemment son service car elle risque d’être tenue pour responsable du déshonneur inévitable de la jeune fille sur qui elle a mission de veiller (Trois vertus, p. 104-109) : le châtiment pourrait être bien sévère. En fait, comme on l’a vu, la menace du déshonneur et du péché trouble suffisamment la Princesse dans le Duc des vrais amants pour qu’elle décide provisoirement de changer de vie et de mettre fin à sa liaison avec le Duc. Bouleversée par la Lettre V de Sebille, elle aurait bien voulu l’avoir auprès d’elle afin de mieux résister à la tentation :

He! Que pleust a nostre sire24
Que tousjours eust o moy esté
Celle : le bien amonnesté
M’aroit, si ne fusse mie
Par mal conseil endormie ! (Duc, v. 3206-3210)

25Ce changement temporaire chez la Princesse est signalé dans la versification des couplets à rimes plates : heptasyllabes jusqu’ici, les octosyllabes les remplacent provisoirement pour raconter la bonne décision de la part de la Princesse de mettre un terme à sa liaison (voir Duc, p. 48-50) : « Mais au fort je m’en retrairay / Et a son conseil me trairay, / Car bien voy le peril amer / Qui est en la vie d’amer » (Duc, v. 3211-3214). Si elle n’oublie pas le Duc, c’est pour l’obliger à reconnaître qu’il encourt le même péril du déshonneur parce qu’il n’a rien accompli pour se faire « preudomme ». Lui aussi doit renoncer à l’amour, même à l’amour chaste, à cause du qu’en-dira-t-on et au nom de sa gloire chevaleresque, qu’il a négligée afin de rester auprès de la Princesse. Celle-ci lui fait connaître sa décision et son conseil dans la Lettre VI (p. 354 et 356).

26Mais le Duc n’est pas disposé à suivre ce conseil. Si la décision de la Princesse demeure inébranlable, il ira outre-mer chercher la mort. En fait, il évoque le même choix entre guérir et mourir, déjà exposé dans la première lettre qu’il lui a adressée. Elle est touchée. On voit combien l’aide de la Dame de la Tour aurait été utile si elle était effectivement venue conforter la décision de la Princesse de mettre fin à sa liaison avec le Duc. Mais elle s’est abstenue. Puis, ayant réglé ses affaires, l’ancienne servante-confidente réapparaît ! La Princesse est désormais entourée des mêmes confidents qu’auparavant : le Duc, le cousin du Duc et la servante, un peu comme Amant, Ami et la Vieille dans le Roman de la Rose. Raison est dans sa tour, comme la Dame de la Tour. Chacune abandonne les amoureux à leur triste destinée.

Les étranges voies de l’amour mondain

  • 25 Le Duc conserve en revanche la même violence quand il cherche à se venger...

  • 26 Même avant la lettre de la Dame de la Tour, paraît-il (Duc, v. 1451-1454,...

27L’amour survit, provisoirement, avant d’entrer en déclin. De quelle espèce d’amour s’agit-il maintenant ? Quelles voies s’ouvrent désormais aux amoureux ? Si le Duc a gagné le prix aux joutes, il n’a pas encore acquis l’honneur chevaleresque que son amour devait inspirer dans les guerres outre-mer25. N’ayant pas envie de quitter la Princesse, il lui devient pourtant de plus en plus difficile de la voir parce que leurs amours sont connues26 et l’époux-maître reste vigilant. Finalement obligé de partir, le Duc se rend d’abord en Espagne et ensuite outre-mer. L’absence se prolonge pendant plus dix ans. Entre-temps les rumeurs sur leur liaison continuent à circuler. Lui et la Princesse souffrent non seulement de leur longue séparation, mais ils connaissent en outre les doutes suscités par d’autres rumeurs. Jalousie s’installe dans leurs cœurs. Christine montre les ravages de ce sentiment dans les derniers poèmes de la petite anthologie qui suit la fin du Dit. Le dernier poème, une complainte de la Princesse, montre que les amours chastes suivent la même voie que les amours « vilaines » : « Helas ! Mais il est changié / A present et estrangié / De moy » (Complainte, p. 418, v. 97-99) à cause d’une « amour neufve » (p. 418, v. 104) car une autre dame, pense-t-elle, « chalengié / … le m’a » (p. 418, v. 101-102). Après la fin des rencontres clandestines, la correspondance s’arrête à son tour. La Dame de la Tour l’a bien prédit. Mais, étant absente, elle n’a pas su empêcher ce dolent dénouement.

  • 27 J. H. M. Taylor, The Making of Poetry : Late-Medieval French Poetic Antho...

28L’insertion de pièces lyriques dans les Dits quand Christine écrivait le Duc des vrais amants (Duc, p. 25-27) permettait aux lecteurs et lectrices de suivre un récit qui peut servir d’exemple des sentiments évoqués dans la poésie lyrique antérieure. Les anthologies lyriques peuvent susciter en outre une réflexion plus libre et même plus intime chez les lecteurs. C’est ce que J. Taylor a défini comme « lecture associative »27. On trouve deux sortes de compositions dans le Duc des vrais amants : l’entrelacement des poèmes lyriques et du récit et l’anthologie qui, elle, marque la fin de l’amour qui devait être honorable parce que chaste. Dans ce Dit, cette diversité ouvre le gradus amoris à plusieurs lectures, et donc à plusieurs voies (Duc, p. 42). Car ces diverses voies sont tout aussi évidentes dans les différents exemples analysés ici dans leurs divers contextes, c’est-à-dire, dans le Duc des vrais amants, le Roman de la Rose, le Livre des trois vertus et même le Chemin de longue étude.

  • 28 Débat, p. 130, l. 481-482, phrase citée aussi dans le Duc, p. 64.

29En ce qui concerne le Duc des vrais amants, la diversité est aussi celle des lectures possibles. Il y a d’abord le Dit avec les insertions lyriques, et d’autre part la petite anthologie qui permet une « lecture associative » indépendante du récit. On peut par ailleurs lire indépendamment du récit les 36 pièces lyriques depuis le premier rondel des v. 71-82 jusqu’à la complainte de la Princesse qui clôt l’anthologie (Duc, p. 75-76). Cette dernière lecture révèle une nouvelle critique de l’idéal de l’amour chaste et nous aide à mieux mesurer le changement d’opinion de Christine sur cette forme d’amour. L’anthologie est traditionnelle dans le sens où l’amour peut comprendre la dernière étape du gradus amoris, c’est-à-dire l’acte d’amour, ou bien l’exclure. Parmi les 36 pièces lyriques, seuls quelques vers de la Balade XVII attribuée à la Princesse pourraient être compris comme relevant de l’amour mondain tel que Christine le comprend dans le débat sur le Roman de la Rose : « toute amour mondainne n’est que vanité28 ». Cela dépend, bien entendu, du rapport que l’on croit saisir entre le verbe meffaire et tous les deliz auxquels la Princesse dit s’être abandonnée dans la défense de son amour : « Quant m’adonnay / A vous amer, mon cuer abandonnay / A tous deliz sans point m’estre meffaitte, / Car j’en reçoy [joye toute parfaitte] » (Duc, v. 3121-3124). Cette ballade récrit un poème qui figure dans les Autres balades de Christine de Pizan, une anthologie composée à l’époque où Christine croit encore à la valeur de l’amour chaste. Mais ayant changé d’avis quand elle écrit le Duc des vrais amants, Christine ne distingue plus entre amour chaste et amour vilain. Au contraire elle range l’amour chaste parmi les autres formes d’amours mondaines et déshonorantes. Ce sont diverses voies qui toutes mènent au déshonneur. Désormais les malheurs et les troubles de l’amour mondain traditionnel, de même que son gradus amoris, appartiennent aussi à l’expérience amoureuse de ceux dont l’amour est chaste : longues séparations (ballades I-IV) ; jalousie et soupçons (ballades V-VI) ; impossibilité de se voir lors des retours (ballade IX, virelais I-III et rondeau I-III). Toutes les amours mondaines sont maintenant blâmables (rondeau IV et Complainte). Ce que la Dame de la Tour a prévu s’est réalisé. À qui la faute ?

30Christine ne répond pas directement à cette question dans le Duc des vrais amants. Mais elle cite dès le début l’opinion du Duc dont elle va raconter l’expérience. Celui-ci

31m’a voulu regehir
De sa grace la doulour,
Ou fust sens ou fust folour,
Ou maint yver et esté
Il a par long temps esté
Pour Amours, ouquel servage
Est encor son cuer en gaige. (Duc, v. 14-20)

  • 29 Voir aussi Duc, v. 3471-3479.

32C’est là un aspect remarquable de l’art poétique de Christine de Pizan dans les Dits qu’elle a composés sur l’amour mondain. Comme la Princesse qui vit toujours « en cremour / De perdre lui et m’onnour, / Mais adés m’en enamour, / Je vous plevis » (Complainte, p. 416, v. 77-80), on sait depuis le début du Dit que le Duc aime toujours quand il demande à Christine de mettre par écrit son histoire (Duc, v. 14-20). Si la Princesse est persuadée que « A ailleurs s’entente mise » (Complainte, p. 418, v. 117), le Duc a les mêmes soupçons. N’a-t-il pas écrit à la Princesse que « Cure n’avez de mon bien assentir, / Sentir me fault torment sans alentir » ? (Rondel IV, p. 412, v. 7-829). L’anxiété jalouse de part et d’autre correspond à l’opinion de la Dame de la Tour : « car poson qu’il n’y ait meffait de corps, si ne le croient mie ceulz qui seulement orront dire : ‘tele dame est amoureuse’ » (Lettre V, p. 338, l. 92-93). Leurs états d’âme proviennent de la jalousie dans les deux sens du terme : crainte de ne plus être aimé et d’être victime de l’infidélité de l’autre. Donc, d’un point de vue général et englobant, l’amour vilain, l’amour péché, l’amour chaste et ‒ pourquoi pas ? ‒ l’amour conjugal se rangent ensemble le long des étranges voies de tout amour mondain. L’exclusion de l’amour vilain est peut-être raisonnable, mais elle se révèle peu sage, comme pour Raison sans Sagesse dans le Chemin de longue étude. Chez Christine, la Dame de la Tour a raison dans le monde tel qu’elle l’observe à son époque et qu’elle dépeint dans le débat du Chemin de longue étude. Tout amour mondain est un « servage », y compris les mariages comme celui de la Princesse. Au demeurant, l’amour que Christine appelle mondain est à la fois un leurre et, inévitablement et quoi qu’on fasse, une calamité.

Notes

1 Christine de Pizan, Le Livre du Duc des vrais amants, éd. D. Demartini et D. Lechat, Paris, H. Champion, 2013, v. 27-30.

2 Voir le glossaire de l’édition s.v. voye, p. 466-467.

3 Sur la réécriture du Roman de la Rose dans le Duc des vrais amants, voir le Duc, p. 43-50.

4 Sur le gradus amoris, voir L. J. Friedman, « Gradus amoris, » Romance Philology, vol. XIX, 1965, p. 167-177.

5 Voir aussi les v. 231-232, 479, 2843-2845, 3016-17.

6 Adapté de C. Buridant, trad., André le Chapelain : traité de l’amour courtois, Paris, Klincksieck, 1974, p. 25-26.

7 Voir aussi Lettre I, p. 268, l. 32-35.

8 Voir aussi v. 2173-2182, 2198-2202.

9 « Connins » dans l’autre manuscrit qui contient Le Duc des vrais amants (Variantes, p. 425, v. 104).

10 Je me permets de renvoyer à mon article « Le Roman idyllique à la fin du Moyen Âge : un paradis pervers? » in Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 20, 2010, p. 17-28. On trouve aussi le motif en question dans l’œuvre de Guillaume de Machaut.

11 Histoire des seigneurs de Gavre, éd. R. Stuip, Paris, Champion, 1993, p. 126.

12 Le Débat sur le Roman de la Rose, éd. E. Hicks, Paris, Champion, 1977, p. 129, l. 458-464. Christine peut même nommer des hommes qui auraient aimé chastement : Bertrand Du Guesclin et Maurice de Tréziguidi (Débat, p. 224-225, et mon ouvrage Christine de Pizan’s Changing Opinion : A Quest for Certainty in the Midst of Chaos, Cambridge, D. S. Brewer, 2007, p. 109, n. 7). Ailleurs Christine dit admirer Jean de Werchin comme amoureux exemplaire (C. Cannon Willard, « Jean de Werchin, Seneschal de Hainaut : Reader and Writers of Courtly Literature, » in Courtly Literature : Culture and Context, Amsterdam et Philadelphia, Benjamins, 1990, p. 595-603).

13 Sur le danger que représentent les servants avertis ou même les confidents pour une liaison clandestine, voir Christine de Pizan, Le Livre des trois vertus, éd. C. Cannon Willard et E. Hicks, Paris, Champion, 1989, p. 104-109.

14 Le Chemin date d’environ 1402-1403, suivi bientôt par le Duc entre 1403-1405 (Duc des vrais amants, p. 12-14).

15 Christine de Pizan, Le Chemin de longue étude, éd. A. Tarnowski, Paris, Le Livre de Poche, 2000, v. 667.

16 À l’époque de Christine, l’univers était partagé entre les quatre éléments : terre, eau, air et feu. Voir le Chemin, p. 54, et sur le parcours suivi par Christine dans ce Dit, C. Heck, « De la mystique à la raison : la spéculation et le chemin du ciel dans Le Livre du Chemin de long estude, » in Au champ des escriptures, éd. E. Hicks, Paris, Champion, 2000, p. 709-721.

17 Voir des propos susceptibles d’offenser Dieu aux v. 405-410, 788-790 (qui rappellent la Rose, v. 635-642), 2781-2782.

18 Lettre V, p. 340, l. 106, p. 346, l. 204 et 221 et p. 348, l. 230, et dans la ballade qui suit cette lettre (v. 3179-3183).

19 Sur cette traduction de cuidier, voir N. Andrieux-Reix, Ancien français : fiches de vocabulaire, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, p 199.

20 Il s’agit bien d’une personnification qui a les yeux pour voir et la faculté « d’avisier en mon fait ».

21 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la rose, éd. A. Strubel, Paris, Livre de Poche, 2992, v. 2971-2972.

22 Sur Christine comme antigraphe voir D. Kelly, Christine de Pizan’s Changing Opinion : A Quest for Certainty in the Midst of Chaos, op. cit., p. 70-71, 81, 154 n. 53.

23 Sagesse reprend en effet l’accusation préalable de Terre, une autre personnification dans le Chemin. Celle-ci s’était déjà levée pour accuser Raison de l’avoir abandonnée. « Ha, dame Raison juste et pure, / Et tu t’en es lassus fouÿe, / Pour ce que d’umaine nature / Tu ne povoies estre ouÿe » (Chemin, 2683-2686).

24 Traduit avec la majuscule comme « Seigneur ». N’est-ce pas un signe de perplexité face au silence de Dieu qui n’est pas intervenu pour aider les coupables  ?

25 Le Duc conserve en revanche la même violence quand il cherche à se venger des médisants aux v. 1545-1550, 1806-1815, 2106-2112, 3231-3237.

26 Même avant la lettre de la Dame de la Tour, paraît-il (Duc, v. 1451-1454, 1490-1491, 1846-1850, Lettre V, p. 334, l. 24-26, v. 3358-3363).

27 J. H. M. Taylor, The Making of Poetry : Late-Medieval French Poetic Anthologies, Turnhout, Brepols, 2007, p. 6 : « This means that the rondeaux et ballades and other fixed-form lyrics recorded in the anthologies need to be read associatively, so that we can recognize, and salute, dense and complex treatments of collective images and shared allusions, and tease out the relationship of poem to poem, rhetorically, metrically, schematically. » Cette approche reste valable, me semble-t-il, si, comme je l’ai fait ici, on lit « associatively » un groupe de Dits qui traitent des problèmes analogues de manière diverse mais collective (voir aussi Duc, p. 30-32).

28 Débat, p. 130, l. 481-482, phrase citée aussi dans le Duc, p. 64.

29 Voir aussi Duc, v. 3471-3479.

Pour citer cet article

Douglas Kelly, «Les « estranges voyes » de l’amour dans le Duc des vrais amants», Op. Cit. [En ligne], Op. Cit., Agrégation lettres 2017, Moyen Âge, mis à jour le : 25/10/2016, URL : http://opcit.ramure.net/opcit/index.php?/op-cit/agregation-2017/moyen-age/index.php?/op-cit/agregation-2017/moyen-age/115-les-estranges-voyes-de-l-amour-dans-le-duc-des-vrais-amants.

Quelques mots à propos de :  Douglas Kelly

Université du Wisconsin - Madison

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